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Prime Minister Louis St. Laurent shaking John Counsell's hand.
Aug 17, 2022

The Caliper - Mars 1947

Président de l’Association canadienne des paraplégiques, le jeune et dynamique John Counsell, lui-même paraplégique, envisage avec assurance un avenir brillant pour l’association. C’est à lui que revient l’essentiel du mérite d’informer et d’organiser cette association qui ne cesse de se développer et de rendre un précieux service public en appuyant la réadaptation des Canadiens paralysés.

Avant la guerre, John Counsell, un homme marié, s’attendait à un avenir prometteur dans le domaine du courtage. Lorsque la guerre a éclaté, il s’est engagé, comme des milliers d’autres, dans l’armée canadienne. Il a servi à l’étranger au sein du Royal Hamilton Light Infantry, et lorsqu’en 1942, le raid sur Dieppe a permis aux régiments canadiens en Angleterre de s’attaquer à l’ennemi pour la première fois, John était parmi ceux qui ont pris d’assaut les plages. Les choses ont rattrapé John Counsell ce jour-là, car il a été vaincu au début de la bataille. Incapable de bouger, et parfaitement conscient, il est resté allongé pendant de nombreuses heures parmi les blessés et les mourants sur la plage balayée par les balles, observant les éclats d’obus. Finalement, un frère officier l’a traîné dans l’un des derniers bateaux à quitter Dieppe et il a été transporté en Angleterre. Après une période d’hospitalisation, il a été envoyé au Canada. À l’Institut-Hôpital neurologique de Montréal, il a subi de nombreuses opérations aux mains des chirurgiens compétents dans le vain effort de réparer sa colonne vertébrale brisée.

On pourrait s’attendre à ce que John Counsell se résigne à l’existence futile d’une personne isolée. Des jours et des nuits de monotonie totale l’attendaient, mais il ne tardera pas à se rebeller. Dès qu’il en a eu l’occasion, il a obtenu sa sortie de l’hôpital et, chez sa sœur, il a commencé son long combat pour retrouver un état raisonnable de mobilité et d’utilité.

Le travail de réadaptation est pénible et décourageant. Nous qui connaissons ces expériences, nous pouvons aussi comprendre le dynamisme, le courage et l’initiative que John Counsell a montrés pour atteindre le degré de mobilité qu’il a acquis à cette époque, avant que le ministère des Anciens Combattants mette en œuvre le programme de réadaptation.

Encouragé par le fait qu’il a réussi à composer avec les nombreux aspects pénibles de la paraplégie, John Counsell a décidé que d’autres victimes de guerre tout aussi handicapées devraient avoir la chance de vivre à nouveau. Il a largement contribué à l’acquisition de fauteuils roulants pliables Everest & Jennings pour ces personnes, et lorsque des neurochirurgiens revenant de leur service en Angleterre ont recommandé la création d’un centre distinct pour le traitement des paraplégiques de guerre, il a activement soutenu ce projet. Au début de 1945, le ministère des Anciens Combattants a ouvert le Lyndhurst Lodge, le premier centre de ce genre au Canada.

Inutile de souligner que les résultats obtenus à Lyndhurst Lodge ont été exceptionnels. Plus de la moitié des patients déjà traités ont quitté le Lodge, et de ce groupe, beaucoup ont un emploi rentable. Le mouvement s’est répandu rapidement et d’autres centres de réadaptation similaires sont maintenant ouverts, comme l’hôpital à Saint-Anne-de-Bellevue au Québec, le Deer Lodge au Manitoba et le Shaughnessy Hospital à Vancouver. Dans tous ces centres, un travail précieux est accompli pour redonner la vie à ceux qui, à la fin de la Première Guerre mondiale, auraient été considérés comme des invalides sans espoir, pour qui la mort était certaine et simplement une question de temps.

Même après tout ce qu’il avait accompli, John Counsell et un groupe d’autres paraplégiques qui étaient également remplis du courage ont formé l’Association canadienne des paraplégiques. Constituée en société en mai 1945, l’Association croyait que les paraplégiques pouvaient mener une vie utile et raisonnablement normale. Les objectifs de l’Association étaient d’offrir de l’aide à tous les hommes et à toutes les femmes paraplégiques, de les amener à s’entraider et à s’offrir une protection mutuelle, d’encourager et d’appuyer leur vocation et leur formation professionnelle, de les aider à trouver un emploi ainsi que d’étudier la paraplégie et de promouvoir l’étude de celle-ci.

Grâce à une étroite collaboration avec le ministère des Anciens Combattants pour présenter les problèmes d’un groupe entièrement nouveau d’anciens combattants, les centres de réadaptation mentionnés précédemment ont continué leur excellent travail, et l’Association elle-même a connu une croissance rapide. Depuis son incorporation, des divisions ont été ouvertes au Québec et au Manitoba et une division en Colombie-Britannique est en train de prendre forme. Son expansion semble assurée, car l’Association ne se limite pas aux problèmes des anciens combattants paralysés. Elle accomplit également un travail précieux dans le domaine des paraplégiques civils, bien que John Counsell affirme, en parlant du traitement de ces cas, que nous n’avons fait qu’effleurer le problème. Grâce à l’Association, des fauteuils roulants sont fournis à des civils dans le besoin et, en grande partie grâce à l’intérêt de l’Association pour ce problème, les installations des centres de réadaptation des anciens combattants sont maintenant mises à la disposition des paraplégiques civils.

John Counsell connaît et comprend parfaitement les principaux problèmes auxquels se heurtent les paraplégiques. Il connaît le désespoir qui accompagne chaque nouvel échec, et il se rend compte des énormes ajustements physiques et psychologiques que le paraplégique doit faire avant de pouvoir s’intégrer à la société librement et sans crainte ni embarras. L’Association qu’il préside prouve, encore et encore, sa grande valeur humanitaire. Plein de nouvelles perspectives de vie s’ouvrent à ceux qui, autrement, pourraient survivre comme de simples fragments d’êtres humains, ignorant le fait que la vie n’est pas finie pour eux.